Entries Tagged as 'DROIT DU TRAVAIL'

ACTUALITE DROIT DU TRAVAIL

Droit du travail & Sport

La preuve du préjudice d’agrément

 

Par Maître Valéry MONTOURCY

Avocat à la Cour

MONTOURCY AVOCATS

 

A propos de Civ. 2e, 08 avril 2010

(Pourvoi n° 09-11634)

 

L’essentiel de la décision :

Une cour d’appel a valablement apprécié le préjudice d’agrément d’un salarié victime d’un accident du travail, en relevant qu’ « il ne pouvait plus s’adonner au vélo et à la boxe anglaise qu’il pratiquait auparavant, en raison d’une diminution de la force musculaire et de la sensibilité de son avant-bras, […] les séquelles [handicapant] les activités ludiques, sportives ou occupationnelles auxquelles peut normalement prétendre tout homme de son âge, [constituant] un handicap, voire un obstacle, aux actes les plus courants de la vie quotidienne. »

 

Les faits :

Un salarié est victime d’un grave accident du travail (avant-bras broyé par une machine).

La faute inexcusable de l’employeur a été judiciairement et définitivement constatée.

 

La procédure :

Statuant après dépôt du rapport d’expertise, la Cour d’appel alloue au salarié, parmi d’autres postes de préjudice avérés (souffrances endurées, préjudice esthétique, préjudice professionnel), la somme de 10.000 euros au titre de l’indemnisation de son préjudice d’agrément, étant précisé que l’employé soutenait qu’il ne pouvait plus s’adonner au vélo et à la boxe anglaise qu’il pratiquait auparavant.

 

Contestant cette décision, l’employeur forme un pourvoi en cassation.

L’employeur soutient que  l’indemnisation du préjudice d’agrément suppose d’une part que la victime prouve s’être adonnée avant l’accident à une activité spécifique de loisir ou de sport qui lui est désormais interdite, cette preuve n’ayant en l’espèce pas été rapportée, d’autre part que soient démontrées en quoi les séquelles constituent un handicap, voire un obstacle aux actes les plus courants de la vie quotidienne ainsi qu’une atteinte constante à la qualité de la vie de la victime. En conséquence, l’employeur sollicite la cassation de l’arrêt de la cour d’appel.

 

La question de droit :

La constatation d’un préjudice d’agrément suppose-t-elle la démonstration par la victime de l’exercice de loisirs ou de la pratique d’un sport antérieurement à l’accident ? Ou suffit-il de justifier postérieurement à l’accident d’une atteinte aux conditions d’existence (qui induisent notamment la pratique d’un sport) ?

 

La position de la Cour de cassation :

Après avoir rappelé que le préjudice d’agrément résulte des troubles ressentis dans les conditions d’existence (L. 452-3 CSS), la Cour de cassation observe que c’est de façon souveraine, au terme d’une analyse concrète des circonstances du litige, que la Cour d’appel a retenu que les séquelles de l’employé handicapaient les activités ludiques, sportives ou occupationnelles auxquelles pouvait normalement prétendre tout homme de son âge et constituaient un handicap, voire un obstacle, aux actes les plus courants de la vie quotidienne, caractérisant ainsi une atteinte constante à la qualité de la vie. En d’autres termes, la preuve du préjudice d’agrément résulte de la constatation des séquelles sur les actes de la vie courante, et non de la démonstration d’une pratique ludique ou sportive interrompue par l’accident.

 

En conséquence, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par l’employeur.

 

Notre Conseil :

Bien que la preuve du préjudice d’agrément se déduise des séquelles constatées sur les actes de la vie courante, corroborées par les déclarations de la victime, il est recommandé à la victime d’un accident du travail, afin de conforter ses déclarations, de verser aux débats des attestations de partenaires sportifs, ainsi que tous éléments attestant de l’appartenance à un club de sport (reçu de cotisations) ou de la pratique régulière d’un terrain (factures de réservation d’un terrain, factures d’achat de matériel sportif).

Conservez toutes vos factures.

 

valerymontourcy@montourcyavocats.com – 20/07/11

 

ACTUALITE DROIT DU TRAVAIL & DROIT DU SPORT (FOOTBALL)

A propos de Soc, 06 octobre 2010, pourvoi n° 07-42023

Par Maître Valéry MONTOURCY

Avocat à la Cour

MONTOURCY AVOCATS

- L’ESSENTIEL: lorsqu’un joueur « espoir », formé par un club, décide, au terme de son contrat de formation, de signer un contrat de joueur « professionnel » avec un autre club, le club l’ayant formé n’est en droit de lui réclamer une indemnité qu’à la double condition que son principe ait été expressément stipulé dans le contrat de formation, et que son montant corresponde au coût réel de sa formation.

- LES FAITS: un joueur de football « espoir », employé par l’Olympique lyonnais, refuse, à l’expiration de son contrat, de signer un contrat de joueur « professionnel » avec ce club, préférant contracter avec le club anglais Newcastle UFC. L’Olympique lyonnais saisit le Conseil de Prud’hommes, et demande la condamnation de son ancien joueur espoir à lui payer la somme de 53.357,16 euros, correspondant à la rémunération qu’il aurait perçue pendant une année s’il avait signé le contrat de joueur professionnel, à titre de dommages et intérêts.

- LA PROCEDURE : En appel, la Chambre sociale de la Cour d’appel de Lyon a débouté l’Olympique lyonnais de sa demande ; ce dernier a formé un pourvoi en cassation.

- LA POSITION DE LA COUR DE CASSATION : par un arrêt de principe en date du 06 octobre 2010, la Cour de cassation :

1/ Rappelle les principes de droit applicables, qui ont été posés dans l’arrêt du 16 mars 2010 (C-325-08) rendu par la Cour de Justice de l’Union Européenne (C.J.U.E.), laquelle « a dit pour droit que l’article 45 TFUE ne s’oppose pas à un système qui, afin de réaliser l’objectif consistant à encourager le recrutement et la formation des jeunes joueurs, garantit l’indemnisation du club formateur dans le cas où un jeune joueur signe, à l’issue de sa période de formation, un contrat de joueur professionnel avec un club d’un autre État membre, à condition que ce système soit apte à garantir la réalisation dudit objectif et qu’il n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif ; que n’est pas nécessaire pour garantir la réalisation dudit objectif un régime, tel que celui en cause au principal, selon lequel un joueur « espoir » qui signe, à l’issue de sa période de formation, un contrat de joueur professionnel avec un club d’un autre État membre s’expose à une condamnation à des dommages-intérêts dont le montant est sans rapport avec les coûts réels de formation » ;

En d’autres termes :

  • Un joueur « espoir » est libre de ne pas signer un contrat de joueur professionnel avec le club qui l’a formé (le principe est la liberté) ;
  • Corrélativement, le club formateur, qui a investi de l’argent dans la formation d’un joueur « espoir », est en droit, en pareil cas, de réclamer au joueur une indemnité à la condition que celle-ci corresponde au coût réel de sa formation (toute restriction à une liberté devant être légitime et proportionnée).

2/ La Cour de cassation observe ensuite que le droit français contrevient aux principes du droit européen.

En effet, « l’article 23 de la Charte du football professionnel interdit au joueur espoir de conclure un contrat de travail avec un autre club que celui qui l’a formé, sans prévoir la possibilité de se libérer de cette obligation par le versement d’une indemnité dont le montant soit en rapport avec le coût de la formation dispensée et fixée au moment de la signature de son contrat de formation », de sorte que « le joueur « espoir » est ainsi exposé à une demande de dommages et intérêts de son club formateur dont le montant est susceptible de le dissuader d’exercer son droit à la libre circulation et qui constitue une entrave à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union en vertu de l’article 45 T.F.U.E. ».

3/ En conséquence, la Cour de cassation écarte l’application de l’article 23 de la Charte du football professionnel, et rejette le pourvoi de l’Olympique lyonnais.

NOTRE CONSEIL : le contrat de formation unissant un club et un joueur « espoir » comportera une clause précisant que pour le cas où le joueur ne signerait pas le contrat de joueur professionnel que le club lui proposerait, il serait alors redevable d’une indemnité correspondant au coût de sa formation, dont le détail est mentionné au contrat.

 

 

ACTUALITE : DROIT DU TRAVAIL & DROIT DU SPORT

Par Maître Valéry Montourcy

Avocat à la Cour

MONTOURCY AVOCATS

 

A propos de Civ. 2e, 09 décembre 2010

Pourvoi n° 09-16140

- L’ESSENTIEL : un salarié en arrêt de travail ne peut pratiquer un sport sans y être expressément autorisé par un médecin, la seule mention du certificat médical « sorties libres » ne valant pas autorisation de pratiquer du sport.

- LES FAITS: apprenant qu’une salariée placée en arrêt de travail avait participé à une compétition sportive de volley-ball pendant la durée de celui-ci, une caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) lui réclame le remboursement des indemnités journalières, à compter du premier jour de la compétition sportive.

- LA PROCEDURE: Le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale (T.A.S.S.), saisi par l’assurée sociale, déboute la CPAM de sa demande de restitution, aux termes d’une motivation qui constitue moins un raisonnement juridique qu’un hommage au Sport : après avoir relevé que les certificats médicaux autorisaient l’assurée à des « sorties libres » pendant son arrêt de travail, le Tribunal ajoute que la cause de l’arrêt de travail – un état dépressif – justifiait ces sorties « afin d’éviter le repli sur soi, de sorte que la pratique du sport, même non autorisée par le médecin traitant, l’était implicitement par l’emploi de la terminologie ‘’sorties libres’’ », « la pratique du sport [étant] reconnue comme une bonne thérapie contre un syndrome dépressif médicalement constaté. »

Contestant cette décision, la C.P.A.M. forme un pourvoi en cassation.

- LA POSITION DE LA COUR DE CASSATION : par un arrêt de principe en date du 09 décembre 2010, la Cour de cassation :

  • Rappelle la loi applicable (les articles L. 321-1 et L. 323-6 du Code de la sécurité sociale) : « l’attribution d’indemnités journalières à l’assuré se trouvant dans l’incapacité physique de continuer ou de reprendre le travail est subordonnée à l’obligation pour le bénéficiaire de s’abstenir de toute activité non autorisée » ;
  • Constate que le T.A.S.S. a violé le texte de loi, l’assurée ayant participé pendant son arrêt de travail à une compétition sportive sans y avoir été autorisée, la prescription de sorties libres n’équivalant pas à une telle autorisation ;
  • En conséquence, casse le jugement et renvoie l’examen de l’affaire au T.A.S.S. afin qu’il soit jugé conformément au présent arrêt.

- NOTRE CONSEIL: dès lors que vous êtes en arrêt de travail, demandez à votre médecin si vous pouvez pratiquer un sport, quels sports, et dans quels cadres (loisir et/ou compétition), et dans l’affirmative, demandez lui de vous l’écrire expressément sur chacun de vos certificats médicaux.